Accueil » État » La cressonnière en transition biologique de Mikaël

La cressonnière en transition biologique de Mikaël

Co-fondatrice

L'Essonne est le territoire historique du cresson en France. Ici, Mikaël Morizot nous reçoit dans la cressonnière familiale, nous dévoile ses secrets de fabrication et le challenge que représente la conversion à l'agriculture bio.

Mis à jour le
cresson reportage
✓ QUI SOMMES-NOUS ?
Une équipe éditoriale spécialisée en nutrition. Auteurs du livre Les aliments bénéfiques (Mango Editions) et du podcast Révolutions Alimentaires.

MÉMO SUR LE CRESSON
✓ Le cresson, aussi appelé cresson de fontaine, est une plante semi-aquatique qui se développe grâce à des petites racines qui puisent des nutriments au fond de l’eau
✓ On le consomme depuis l’Antiquité pour ses qualités gustatives mais aussi pour sa richesse nutritive et ses vertus médicinales
✓ Particulièrement riche en antioxydants, il protège les yeux, renforce les os, aide à réguler la glycémie et aurait une activité anti-cancéreuse
✓ On en trouve principalement en Europe et au Japon. 40 % de la production française provient d’Essonne

La première cressonnière de l’Essonne

Un joli sous-bois près de Vayres-sur-Essonne, dans le sud du département, sert d’écrin à la cressonnière où nous accueille Mikaël. Historiquement, il y avait un lavoir à cet endroit, dont on aperçoit encore les vestiges. Il y a un impératif lorsqu’on veut cultiver du cresson : c’est l’eau ! De fait une source coule ici, elle a donné son nom à la cressonnière : Sainte Anne.

Nous sommes dans la première cressonnière de l’Essonne, fondée en 1854 pour Louis Doublet. La famille de Mikaël l’a reprise en 1984. Il travaillait auparavant dans un bureau d’études en environnement. C’est au cours de ses nombreuses missions pour la gestion des eaux en Normandie qu’il assiste à la conversion toujours plus excessive des terres agricoles et naturelles en lotissements et zones commerciales.

La cressonnière Sainte-Anne au mois de mars : le cresson déborde des fossés

Son historique familial (son arrière grand-père était déjà cressiculteur ! ), sa passion pour le cresson, le travail de la terre et l’environnement ont fini de le convaincre de reprendre l’exploitation jusqu’alors gérée par son oncle. Lorsque ce dernier est parti à la retraite, il a ainsi repris son activité, devenant la quatrième génération de cressiculteur dans la famille.

Aujourd’hui, la cressonnière Sainte-Anne est en conversion vers l’agriculture biologique, et se distingue par la marque Valeurs Parc naturel régional (qui assure qu’une culture s’inscrit dans une démarche de développement durable) et produit en Île-de-France. On y cultive aussi de la rhubarbe.

Mikaël produit environ 40 000 bottes de cresson par an et fournit des AMAP, le marché de Rungis, les curieux.ses qui lui rendent visite, et même le chef étoilé Alain Passard !

La Normandie est le berceau historique du cresson en France. Dans l’Oise au début du 19 ème, Joseph Marie Etienne Cardon développe la culture du cresson de fontaine. Puis se sera au tour de l’Essonne. Actuellement, le cresson essonnien est cultivé sur environ 15 hectares. Les autres spots du cresson se trouvent Dans l’Oise, Nord – Pas de Calais, Haute Normandie, le Lyonnais et du côté d’Agen pour les plus grands.

Dans les années 1960, la douve du foie, un parasite, a fait péricliter de nombreuses exploitations. Si jusqu’à 100 producteurs faisaient pousser du cresson en Essonne dans les années 1930, ils sont aujourd’hui 25.

Au 19ème siècle on mangeait plus de cresson que de salade ! Ses bienfaits pour la santé étaient plébiscités et vantés dans la rue

Lire aussi l Cresson, la plante semi-aquatique antioxydante

Aujourd’hui, études à l’appui, on redécouvre les bienfaits du cresson pour la santé. Il fait partie de la famille des Brassicacées, comme le chou et la maca, et est à ce titre particulièrement bien doté en antioxydants. C’est pourquoi on recommande de le manger le plus frais possible, direct producteur 🙂

La culture du cresson, des fossés à Rungis

Mikaël nous raconte l’histoire de la source Sainte-Anne

Mikaël commence par nous montrer sa source. C’est de là qu’il puise l’eau qui alimente les fossés à cresson de son exploitation, qui sont structurés en peigne. L’eau arrive et repart par un fossé d’alimentation qui longe les fossés de culture. Le cresson est un épurateur, pour son développement, il nettoie les nitrates présents dans l’eau en les transformant en azote gazeux ! Une belle et majestueuse haie de bambous protège le cresson des vents du nord.

Nous somme début août, et le cresson vient d’être semé. On le récoltera ensuite de septembre à mai, dans les 36 bassins que compte l’exploitation de 5500 mètres carrés. Mikaël récolte tout tout seul, parfois avec l’aide de son père. C’est un métier difficile : il faut tout le temps être penché au-dessus de l’eau pour cueillir les bottes et en prendre soin. Mikaël nous assure avoir une bonne ostéo 🙂

Promenade semi-aquatique

« Les anciens se mettaient à genoux sur une planche, aujourd’hui on utilise des raquettes de neige pour ne pas abîmer le cresson ni le fond sableux, et on le récolte au couteau »

Lorsqu’il récolte le cresson, il fait directement des bottes. Il a la mémoire du geste ! Chaque botte pèse environ 300 g. On observe les feuilles, certaines sont d’un beau vert violacé. Son père et lui ont isolé une variété à la pigmentation violette, le cresson pourpre. Plus esthétique (ça plaît beaucoup aux chefs), et plus riche en antioxydants. La variété familiale était déjà d’un beau vert foncé.

Aussi beau que bon

En fin de saison, on fait monter les tiges, et on prélève les graines sur les fleurs. Ce sont de véritables semences fermières, Mikaël maîtrise tout le processus. Il les mélange à du sablon (sable de Fontainebleau), puis sème les graines à la volée pour une bonne répartition des semences, sur un fond de fossé humidifié.

Quant à la manière de le déguster, il nous donne plein d’idées inspirantes. Du pesto de cresson, du sorbet citron, cresson, un smoothie fraise orange cresson… « Le mieux pour déguster du cresson, ce n’est pas l’éternelle soupe, c’est en salade. Il faut oser les mariages : cresson, poire, betterave par exemple. »

Trois fois par semaine, Mikaël livre à 3h du matin ses bottes de cresson à Rungis. Pour suivre son quotidien de cressiculteur, rendez-vous sur son compte instagram !

La conversion vers l’agriculture biologique

Une des premières bottes de cresson récoltée ce mois-ci à la cressonnière Sainte-Anne

Comme beaucoup d’agriculteurs respectueux de l’environnement et soucieux d’offrir les meilleurs aliments possibles pour la santé et les papilles, Mikaël s’est penché de près sur la possibilité de passer à l’agriculture biologique. Malgré les difficultés économiques que cela représente au début et les changements de compétences et techniques nécessaires à la transition, il s’est lancé dans l’aventure l’année dernière.

Jusqu’à présent, sa production a perdu 25% de rendement, mais il s’accroche. « C’est un métier dur mais un produit riche » nous confie-t-il.

étiquetage du cresson en conversion vers l’AB

Opérer la transition vers l’agriculture biologique requiert de nombreux changements :

  • Alimenter les sols avec des engrais organiques et minéraux
  • Utiliser des pesticides naturels : du purin d’ortie et un macéra huileux d’ail
  • Utiliser des remèdes homéopathiques appliqués à l’agriculture
  • Employer des toiles de paillages pour étouffer le cresson restant après récolte et nettoyer les fossés

Cette conversion a eu pour effet immédiatement visible la multiplication d’une micro-faune dans les fossés : gammares, cloportes, porte-bois, éphémères… Et c’est une bonne nouvelle, car ces insectes et autres crustacés sont d’excellents bio-indicateurs.

Les gammares se régalent

La présence de gammares par exemple, sorte de crevettes d’eau douce, atteste de la bonne qualité et pureté de l’eau. On se sert d’ailleurs souvent de cet animal pour déterminer le niveau de pollution d’un cours d’eau : s’il est pollué, les gammares cessent de s’alimenter et se reproduire. Mikaël prélève un peu de mousse d’un fossé : ça grouille !

La contre-partie de tous ces efforts, c’est qu’il peut déjà augmenter le prix de son cresson, passant de 1,30€ à 1,80€ la botte.

La cressonnière Sainte-Anne dans les Carnets de Julie !

Mikaël ne s’est pas contenté de nous faire faire le tour du propriétaire, il nous a aussi longuement parlé de l’histoire du cresson en France, documents et photos d’archives à l’appui ! Passionné et généreux, il fait de son amour pour la nature un combat du quotidien 🌳 🌳 🌳