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De la spiruline artisanale faite avec amour dans le Sud-Ouest

Co-fondatrice

On profite d'une escapade en Aquitaine pour rendre visite à la Spiruline des Frangines, une ferme spécialisée dans la culture de spiruline, un aliment d'exception. Sa productrice, la sémillante Laurence Boxberger, nous a ouvert les portes de son temple !

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✓ QUI SOMMES-NOUS ?
Une équipe éditoriale spécialisée en nutrition. Auteurs du livre Les aliments bénéfiques (Mango Editions) et du podcast Révolutions Alimentaires.

Une plantation de spiruline au milieu des tomates dans le Lot-et-Garonne

Changement de décor après le cacao en Amazonie et le chocolat cru à New York. On fait halte dans une auberge typique du Lot-et-Garonne où on se régale d’un magret de canard et de vin marmandais, et on se dirige vers Montpouillan, un village agricole de 700 âmes tout au plus.

On a appelé Laurence last minute, la veille pour le lendemain. Elle nous accueille dans la ferme familiale avec un sourire jusqu’aux oreilles, du bon café et quelques carrés de chocolat à la spiruline. Elle a grandi ici, alors que ses parents, maraîchers, cultivaient des tomates. Elle a créé sa propre ferme, la Spiruline des Frangines, en 2013 (voir sa boutique, pour acheter de la spiruline en ligne).

Elle nous raconte son histoire…

D’aventurière nomade à spirulinière engagée

Après avoir parcouru le monde pendant 20 ans, des États-Unis à l’Inde, se forgeant une vie d’expériences et de rencontres, elle se résout à revenir sur ses terres natales. Et à faire quelque chose des serres de son papa qui ne sont plus utilisées.

Laurence avait pour la première fois consommé de la spiruline au début des années 2000, après avoir vaincu une tumeur cérébrale – on était conquis par son caractère bien trempé, on est à présent vraiment impressionnés. La super algue l’avait alors aidée à se remettre d’aplomb et détoxiquer son corps suite aux lourds traitements qu’elle avait subis.

Un matin, des années plus tard, alors qu’elle ouvre les portes d’une salle d’escalade dans laquelle elle travaille à Montpellier, Laurence tombe nez-à-nez avec un producteur de spiruline sur un marché artisanal. Là, elle décide de tout apprendre sur la spiruline et sa culture, et se rend à vélo quotidiennement chez ce spirulinier qui lui ouvre sa ferme et ses savoirs.

En 2013, Laurence installe ses premiers bassins de spiruline dans la ferme familiale à Montpouillan. Outre les serres déjà existantes, elle dispose d’un matériau précieux : l’eau. Celle-ci est puisée directement dans une source naturelle appartenant à la ferme.

Pourquoi Laurence est une spirulinière engagée ? D’abord parce que la culture de spiruline a un faible impact environnemental – on produit un aliment protéiné et riche en fer avec peu d’espace, peu d’eau, peu d’énergie, contrairement à un élevage de boeufs par exemple.

Aussi parce qu’elle a choisi de faire pousser sa spiruline dans du sel de Salies-de-Bearn, un sel pur naturellement présent dans les Pyrénées voisins.

Enfin, sa spiruline est séchée à froid en dessous de 40°C, elle reste donc crue (vivante !) et conserve tous ses bons nutriments.

C’est quoi la spiruline déjà ?

La spiruline c’est tout simplement un des aliments les plus exceptionnels qui soient. Cette cyanobactérie, qu’on a tendance à qualifier d’algue, est une des premières formes de vie sur terre puisqu’elle a environ 3,5 milliards d’années.

L’avantage quand on va directement dans une ferme de spiruline, c’est qu’on peut trouver de la spiruline fraîche, le must du must !

Elle se développe à l’état sauvage dans les lacs alcalins des régions chaudes en Amérique, en Afrique, en Asie. Elle fut par exemple consommée par les Aztèques au Lac Texcoco, mais aussi et encore aujourd’hui au Lac Tchad par les Kanembous.

La spiruline est une source unique de protéines, de vitamines, de fer et autres minéraux. C’est peut-être le plus puissant de ce qu’on appelle les super aliments, et en plus sa culture est écologique.

Elle est aujourd’hui utilisée dans des programmes humanitaires pour lutter contre la malnutrition. Mais pas que, puisque la NASA s’en sert aussi lors de missions spatiales, et compte bien en cultiver sur Mars. Quant à nous, on peut facilement s’en procurer (en poudre, en paillettes et en comprimés) directement auprès de producteurs comme Laurence, ou dans les magasins bio.

De la culture à notre assiette, comment fait-on de la spiruline ?

On est au mois de juin, un des mois les plus chargés en matière de récolte ! Celle-ci a lieu d’avril à octobre, lorsque la lumière du soleil permet à la spiruline d’opérer une photosynthèse optimale.

On quitte l’ambiance cosy du salon de Laurence pour se diriger vers les serres. Neuf bassins se succèdent, et on est tout de suite hypnotisés par l’eau vert marbré qui défile sous nos yeux. Laurence a commencé avec une souche prélevée chez un collègue, qu’elle a nourri de fer et autres minéraux, d’engrais NPK (azote, phosphore, potassium)… Le soleil a fait le reste !


« L’eau de notre source, c’est ma plus grande richesse. Pour cultiver la spiruline on a pas besoin de beaucoup d’eau, mais d’une bonne eau. »

Laurence récolte la spiruline le matin. Elle travaille seule, parfois avec une amie saisonnière. Les serres permettent d’avoir un environnement chaud, propice à la bonne régénération des cyanobactéries.


Un univers dans une goute d’eau ! Voilà ce qui se passe dans le bassin de spiruline : les cyanobactéries se promènent, se reproduisent… Leur forme en spirale a donné son nom au super aliment 🙂

Bon mais comment ça se passe concrètement ? On mesure la densité des bassins avec un disque de Secchi. Les bassins les plus denses sont prêts à être cultivés, on laisse les autres tranquilles le temps que la spiruline se régénère comme il faut.

Dans le laboratoire adjacent, on ouvre le robinet correspondant au bassin élu. Une toile très fine permet de filtrer le liquide, une crème verte se forme à sa surface. Il faut un peu d’imagination pour la suite car comme on est l’après-midi, la récolte a déjà eu lieu 🙂

On place la biomasse dans une boîte pour la presser. Laurence a bien entendu des gants, tout est fait artisanalement et réglementairement !

Puis on met la pâte obtenue dans cette drôle de machine, un ancien poussoir à saucisse reconverti en machine à spaghetti de spiruline ! On transforme alors la pâte en longs fils.

Les spaghetti vont ensuite passer toute la journée sur un plateau dans un séchoir. La température de celui-ci ne dépasse pas les 40°C : on parle de séchage à froid. Les nutriments et qualités de la spiruline sont préservés ! Elle reste vivante !!!

Laurence broie alors sa spiruline à la main pour former des paillettes, envoie un échantillon au labo pour analyse bactériologique, et la conditionne en sachets. Elle adore aussi développer de nouveaux produits : chocolat à la spiruline (collaboration avec un maître chocolatier du coin), gomasio spiruliné

« La spiruline, c’est dans la journée que ça se passe ! »

Voilà une journée dans la vie de la spiruline. Quant à Laurence, elle s’occupe aussi de l’admin, de la compta, de la com’, de faire les marchés, gérer les commandes online (30% de ses ventes)… Elle partage aussi son savoir-faire auprès des jeunes qui veulent se lancer dans l’aventure de la spiruline, et voyage régulièrement en Afrique pour développer des collaborations.

Les spiruliniers français sont habituellement des personnes en reconversion et engagées à cultiver un produit sain et écologique. Leurs exploitations sont artisanales, leur démarche durable, on est souvent dans un schéma de fermes avec un circuit court de vente directe au consommateur.

Pour comprendre pourquoi la spiruline française n’est pas (encore) bio, lisez notre article. Les spiruliniers français, regroupés au sein d’une fédération comprenant plus de 150 producteurs, pensent à développer leur propre label, « spiruline paysanne française », avec un cahier des charges écologique.

Un plaisir de voir en vrai comment ça se passe, et une belle rencontre de surcroît : on a hâte de continuer à explorer le monde des super aliments ! Et expérimenter nos propres recettes… Avec la spiruline fraîche gentiment offerte par Laurence on réalise une délicieuse Piña Colada pour l’apéro 😉