Accueil » Conseils » Manger selon son horloge biologique avec la chrononutrition

Manger selon son horloge biologique avec la chrononutrition

Ingénieure et diététicienne

Et si l’heure à laquelle nous mangeons comptait autant que ce que nous mangeons ? Laura Brenans, ingénieure agronome et diététicienne, nous dit tout sur la chrononutrition et ses bienfaits.

Mis à jour le
chrononutrition
✓ QUI SOMMES-NOUS ?
Une équipe éditoriale spécialisée en nutrition. Auteurs du livre Les aliments bénéfiques (Mango Editions) et du podcast Révolutions Alimentaires.

La chrononutrition consiste à composer nos repas en fonction de notre horloge biologique, que l’on appelle le rythme circadien. Elle pourrait nous aider à mieux gérer notre énergie, notre poids et notre bien-être.

Nos modes de vie actuels, à base de repas sautés, tardifs, grignotages, stress, sédentarité, perturbent notre horloge biologique.

Ces perturbations favorisent l’obésité et le sur-poids, qui eux-même dérèglent l’horloge interne. On entre dans un cercle vicieux !

Mais il est possible d’inverser la tendance, notamment grâce à la chrononutrition. Car une alimentation rythmée et des repas structurés contribuent à limiter la résistance à l’insuline, la prise de masse grasse et l’obésité. Je vous explique ici comment ça fonctionne et décortique les études sur le sujet.

📚 Lire aussi | Les programmes minceur les plus vendus analysés par un diététicien

Comprendre la chrononutrition

Le principe

La chrononutrition a été développée en 1986 par le Dr Alain Delabos, médecin nutritionniste, à partir des travaux du Professeur Jean-Robert Rapin sur les rythmes biologiques.

En chrononutrition, on mange à des heures régulières et on adapte ce que l’on mange au moment de la journée. L’idée, c’est que notre corps n’assimile pas les aliments de la même façon le matin, le midi ou le soir.

Suivre le rythme du corps

Notre organisme fonctionne avec un rythme circadien, c’est-à-dire une horloge interne, qui dure environ 24h, basé sur l’alternance jour/nuit. Ce rythme influence notre sommeil, notre énergie et la production de certaines hormones :

  • le matin, le cortisol (hormone du stress) augmente et favorise l’éveil et la vigilance
  • le soir, c’est la mélatonine qui prend le relais pour favoriser le sommeil

Manger à heures régulières permet de s’adapter à ces sécrétions hormonales.

Comment et quand manger ?

Le matin

On mise sur un petit déjeuner copieux, riche en protéines (œufs ou fromage par exemple) et en lipides (graisses). Les protéines stimulent la production de dopamine, qui booste la motivation.

Je préconise d’ajouter une source de glucides, par exemple du pain complet, pour limiter la faim dans la journée. La présence de glucides au petit déjeuner fait diminuer la sécrétion de ghréline, l’hormone de l’appétit.

Le midi

On opte pour une portion de féculents complets ou de légumineuses, accompagnée de légumes et d’une source de protéines. Je précise qu’en chrononutrition, on conseille de ne pas consommer de dessert sucré, mais de le garder pour la collation.

La collation

C’est l’heure de la touche sucrée ! De préférence des sucres non raffinés, comme un fruit par exemple. Je conseille de l’accompagner d’oléagineux pour que ce soit plus rassasiant : amandes, noix, noisettes, en purée pour plus de gourmandise.

Le dîner

Le soir, le Dr Delabos recommande un dîner léger composé de légumes et de protéines pour favoriser un bon sommeil.

Cependant, plusieurs études montrent que consommer une petite portion de glucides peut améliorer la qualité du sommeil et réduire le risque d’insomnie. Je préconise donc d’opter pour des glucides à faible indice glycémique, par exemple du quinoa, du riz complet, des pâtes al dente au blé complet, de la patate douce…accompagnés de légumes pour leurs richesse en fibres. 

À l’inverse, cette étude montre qu’un dîner trop tardif (moins d’une heure avant le coucher) et riche en glucides peut augmenter la glycémie après le repas, et même celle du matin suivant. Ceci s’explique par un ralentissement du métabolisme pendant le sommeil et une dégradation des graisses moins efficace.

On opte donc pour un dîner riche en fibres avec une petite portion de glucides complexes, des légumes et des protéines, au moins quatre heures avant de se coucher.

Les effets de la chrononutrition sur la santé

Des bienfaits pour la santé

La chrononutrition aide à limiter les pics de glycémie, ce qui est bénéfique pour les personnes atteintes de diabète de type 2. Elle limite aussi la prise de masse grasse, surtout en cas de surpoids ou d’obésité. Pour ça, il est important de prendre son dîner au moins quatre heures avant le coucher.

Cambridge University Press a publié une étude à ce sujet. Dans un essai clinique, des femmes en surpoids ou obèses suivant un régime hypocalorique ont été assignées à un groupe dînant tôt versus groupe dînant tard.

Le groupe mangeant plus tôt a perdu davantage de poids, et montre de meilleurs indicateurs du métabolisme des glucides.

Attention aux interdits

Le principe de la chrononutrition, tel que l’a présenté Dr Delabos reste assez strict, avec certains aliments interdits (lait, yaourts, soupe…), ce qui peut donner l’impression d’un régime restrictif.

J’observe fréquemment, chez mes patients, les conséquences néfastes d’un régime trop restrictif, c’est pourquoi je recommande de ne pas bannir d’aliments, mais plutôt de les consommer avec modération.

chrononutrition avis
Manger à heures régulières permet de nous adapter à nos sécrétions hormonales

Mon avis sur la chrononutrition

La chrononutrition : oui, mais sans restrictions

La chrononutrition telle qu’on peut la pratiquer aujourd’hui doit être plus souple et personnalisée. Si vous souhaitez vous lancer dans la chrononutrition, je pense qu’il faut trouver un compromis. En respectant son horloge biologique, sans être trop restrictif, je propose de composer votre journée comme suit :

  • Petit déjeuner : privilégier protéines, féculents complets et une touche de graisse (huile de coco dans le café par exemple)
  • Déjeuner : féculents complets, légumes et protéines
  • Collation : un fruit et quelques oléagineux (noix, noisettes, amandes)
  • Dîner : légumes, protéines et une petite portion de féculents complets (on ne supprime rien, on adapte !)

Une alimentation adaptée à votre mode de vie

Nous avons tous des rythmes de vie différents, il est important d’être à l’écoute de ses besoins. La chrononutrition peut être difficile à mettre en place selon le mode de vie, notamment en cas d’horaires de travail décalés. 

Dans ce cas, je conseille d’ajuster les repas selon les heures de lever et de coucher : un travailleur de nuit prendra son petit déjeuner au réveil, un déjeuner en fin de journée et un dîner pendant la nuit.

Enfin, je pense qu‘il n’existe pas d’alimentation universelle idéale : la meilleure alimentation est celle qui respecte la santé tout en s’adaptant à chaque personne et à son mode de vie.


Sources et études scientifiques

1. Marica Franzago, Elisa Alessandrelli, Stefania Notarangelo, Liborio Stuppia, and Ester Vitacolonna. Chrono-Nutrition: Circadian Rhythm and Personalized Nutrition. [En ligne] 29 Janvier 2023

2. Konstantinos Mantantzis, Vanessa Campos, Christian Darimont, Francois-Pierre Martin. Effects of Dietary Carbohydrate Profile on Nocturnal Metabolism, Sleep, and Wellbeing: A Review. [En ligne] 13 Juillet 2022

3. Chenjuan Gu, Nga Brereton, Amy Schweitzer, Matthew Cotter, Daisy Duan, Elisabet Børsheim, Robert R Wolfe, Luu V Pham, Vsevolod Y Polotsky, Jonathan C. Metabolic Effects of Late Dinner in Healthy Volunteers-A Randomized Crossover Clinical Trial. [En ligne] 11 Juin 2020

4. Elizabeth A. Thomas, Adnin Zaman, Marc-André Cornier, Victoria A. Catenacci, Emma J. Tussey, Laura Grau, Jaron Arbet, Josiane L. Broussard et Corey A. Rynders. Later Meal and Sleep Timing Predicts Higher Percent Body Fat. [En ligne] 29 Décembre 2020