Babylone et ses jardins suspendus avaient fasciné l’antiquité par leur beauté et régalé les visiteurs de leurs fruits gorgés de sucre. En cette année 2020 le projet inauguré à Paris au 1er juillet se veut plus prosaïque et mise plutôt sur le maraîchage des légumes et la pédagogie. Plus question d’orner les palais pour le seul plaisir des princes mais plutôt de promouvoir les circuits courts et de fournir aux Parisiens des aliments de qualités.
Pas Bio, mais plutôt écolo
Cultiver sans produits chimiques des fruits et légumes de saison, c’est sur ce crédo relativement simple que repose Nature Urbaine, qui entend répondre à la demande croissante d’aliments non traités. Radis, tomates, laitues ou encore herbes aromatiques… en tout, ce sont plusieurs dizaines d’espèces qui poussent déjà sur site.
Installée dans l’ouest de la capitale, sur les toits du Paris Expo Porte de Versailles, la nouvelle ferme ne pourra cependant pas se prévaloir du label Bio, car ses cultures sont hors sol : les plantes sont cultivées en aéroponie (par vapeur d’eau) ou en hydroponie (directement dans l’eau)… en tout cas, sans terre. Certaines plantations sont même à la verticale, ce qui facilite la cueillette. Leurs racines sont irriguées par un circuit en boucle fermée et étroitement contrôlé pour éviter la pollution et optimiser la croissance des plantes, toute en limitant le gaspillage d’eau.
Ici, les cultures sont réalisées à l’air libres et profitent de l’ensoleillement naturel. De fait, la ferme évite le recours à l’éclairage artificiel et se montre donc bien moins énergivore que d’autres projets d’agriculture urbaine, menés à l’intérieur même des bâtiments, et dont la “durabilité est questionnée par exemple dans ce récent rapport de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie).
A celles et ceux qui s’inquiètent de la pollution de l’air, les promoteurs du projet répondent que la hauteur des toits les préserve des métaux lourds. Ils assurent que ces fruits et légumes “ultra locaux” sont aussi un atout pour le goût, minimiser les étapes de transport permettant de les cueillir bien plus mûrs que ceux qui viennent de loin.
Depuis quelques semaines déjà, le site commercialise des paniers vendus pour 15 euros. A terme, Nature Urbaine prévoit d’approvisionner les restaurants et cantines scolaires des alentours.
Produire en quantité
En investissant près de 14 000 m² de toitures, Nature Urbaine se veut bien plus qu’un petit démonstrateur. Gérée par Agripolis et Cultures en Ville, deux entreprises spécialistes de l’agriculture urbaine, la ferme vise à produire en quantité : près de 1000 “unités” par jours (une unité, c’est par exemple une barquette de fraise, un kilo de concombre ou un bouquet d’herbes aromatiques). De par la taille du projet, la Mairie de Paris y voit “un modèle à l’échelle mondiale en matière de production responsable”.
Bien sûr, s’il en faudra plus pour nourrir la capitale, il n’empêche que les techniques développées ici sont prometteuses. Sur son site, Agripolis avance que “cultiver en colonnes et en aéroponie donne des rendements à la surface 4 à 5 fois supérieurs à l’agriculture classique”, et ceci avec des investissements relativement limités. De fait, la start-up espère bien inspirer les participants du Salon de l’Agriculture qui se tient chaque année, heureux hasard, juste sous les racines de la nouvelle ferme.
Reconnecter les urbains à leur alimentation
Complément à la vente de fruits et légumes, Nature Urbaine entend consolider son projet en ouvrant son espace au public : atelier découverte, séance de dégustation, visites guidées mais aussi événements d’entreprises doivent contribuer à faire vivre le site… et assurer sa rentabilité.
Le projet n’oublie pas le voisinage : la ferme met 135 mini-parcelles à la location pour les particuliers. On pourra bénéficier de matériel et des conseils des jardiniers professionnels du projet.
Enfin, un bar-restaurant panoramique cuisinera en partie les fruits et légumes cultivés sur place. En terme de circuits, difficile de faire plus courts ! Finalement, s’il n’est plus réservé aux seuls princes, le jardin suspendu du XXIème siècle n’a en tout cas pas renoncé à une idée babylonienne. En mettre plein bouche au visiteur, et plein la vue.
Photo © Nature Urbaine